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Archives Mensuelles: janvier 2015

Article publié dans C!RQ, janvier 2015, Bruxelles

Nos corps nous appartiennent-ils ?

C’est fou tout ce qui concerne notre corps et nous échappe : les codes vestimentaires, l’alimentation que nous lui administrons, ce qu’en pensent les médecins quand il faut le soigner. Loin des abus de pouvoir sur les corps qu’engendrent les guerres ou les totalitarismes, nous devons rester vigilants : cela conditionne nos comportements et restreint notre liberté. C’est ce qu’historiens et philosophes nomment le « corps social ».

Les artistes de cirque sont maîtres de leur corps. D’où leur esprit libre. Car en dépassant les limites corporelles, ils abattent de nombreuses frontières mentales. L’assouplissement corporel libère. La dislocation, la contorsion, le renversement des corps ne sont pas des positions dites normales. Il y a quelque chose de subversif et libérateur pour le public.

Le cirque n’est pas un soin palliatif pour amuser un « corps social » moribond. C’est bien plus grave, bien plus digne. Le cirque sème l’idée de co-opérer : fonder un autre « corps social » à partir des corps hétérogènes, sans exclusion. Il représente une utopie : s’approprier son corps, décider de l’alimentation, des soins qu’on lui porte ; l’envisager comme un tout et non, morcelé par le pouvoir politique, dénaturé par les industries agro-alimentaires ou segmenté par la recherche médicale. Et puis, se porter les uns les autres au lieu de se diviser.

Ce corps n’est pas éternel. Nous sommes tous précaires. C’est notre seul bien commun sur terre.

Pauline de La Boulaye

Autre article publié dans ce numéro : Parlez-vous cirque ? (page 28-29)