Musées sur le divan # Pompidou Paris Bruxelles
paru dans Le Vif/L’Express, Belgique, 3 février 2017
Trois questions à Pauline de La Boulaye
Historienne et commissaire d’expositions. Elle est également l’auteur d’un mémoire sur le Centre Pompidou.
Le contexte dans lequel le Centre Pompidou voit le jour est un contexte de crise. Quel est-il ?
Le Président Pompidou en fait le vœu un an après la crise de 1968. Tout est à repenser. La France veut retrouver une hégémonie culturelle. Les Etats-Unis ont pris une longueur d’avance en matière d’art moderne. Les artistes, les intellectuels, les disciples de Malraux accusent les musées d’être coupés de la société. L’ICOM, Conseil International des Musées de l’Unesco, publie un rapport qui explique que les institutions sont dépassées et qu’une nouvelle mission de démocratisation et d’éducation les attend. Il y a là une page blanche à écrire. C’est dans ce contexte que se met en gestation le projet Beaubourg avec pour contradiction initiale une volonté de promouvoir le rayonnement français tout en absorbant une création artistique en voie de mondialisation. La formule « centrale de la décentralisation » lancée à l’époque par le Secrétaire d’Etat à la culture exprime à quel point le centre est pris entre forces centrifuges et centripètes.
Peut-on dire que Beaubourg a rempli sa mission ?
C’est un projet très ambitieux qui a réussi en partie, ce dont sa longévité et son expansion témoignent. Je pense que la synergie pluridisciplinaire entre les pôles – musique, arts plastiques, livres, création industrielle… – ne fonctionne plus. Il est regrettable que la fameuse « piazza » qui s’étend devant le bâtiment et qui devait servir de plateau pour les nouvelles formes artistiques émergentes – arts de la rue, performance – comme cela s’est passé au début… n’accueille guère plus que d’interminables files d’attente. Quant aux grandes expositions d’envergure internationale, on peut se demander pourquoi Beaubourg ne met pas plus au premier plan les formes les plus contemporaines qui sont programmées dans son forum.
Quel avenir pour Beaubourg ?
Inspiré entre autres du « Musée à croissance illimitée » telle que l’avait formulé Le Corbusier, Beaubourg semble voué à une perpétuelle expansion. On peut toutefois se demander comment une telle machine peut rester en phase avec la création et la société contemporaine. Beaubourg doit faire face à d’importantes mutations : technologiques, artistiques, urbaines, civilisationnelles. L’occident vit à nouveau une crise sociale, culturelle, politique, exactement comme à l’époque où l’idée de Beaubourg surgit. Une nouvelle idée est peut-être nécessaire.
Propos recueillis par Michel Verlinden